A Cagliari, existe une petite librairie, la librairie des chats noirs, spécialisée dans le roman policier, tenue par Marzio Montecristo, libraire irascible et peu patient. Une fois par semaine, au sous-sol à l’atmosphère Agatha Christie, se réunit le club des « enquêteurs du mardi ». A la suite de meurtres pour le moins odieux, l’assassin laissant une minute à sa proie pour choisir entre deux êtres chers, l’enquêtrice en charge de l’affaire, amie de Marzio, lui demande ainsi qu’à son club de l’aider.
Dans cette nouvelle série, Piergiorgio Pulixi nous installe dans une atmosphère plus cosy où se mêlent intimité, amitié et meurtres en série. Toujours aussi bien construite et écrite, cette histoire est aussi truffée de références aux grands romans policiers d’hier et d’aujourd’hui, ce qui contribue à nous plonger dans ces ambiances policières si addictives.

Dans un parc animalier, la vie bat son plein. Dans la communauté des Babouins, Darwin, le chef de clan, veille au grain : de jeunes mâles prétendent à son poste. Bruce le puma lui est intrigué par une musaraigne cachée sous une souche. Emma est venue d’un bordel de Bornéo, vit seule dans un 300m². Là-bas, elle disposait d’un miroir et d’un peigne et brossait ses longs cheveux oranges. Ici, elle continue à se peigner avec ses mains et ses paumes. Anil, un yak en transit, occupe l’enclos occupé quelques années plus tôt par un couple de bisons, partis depuis s’établir à Berlin. Anil a un peu de mal à supporter la canicule qui sévit actuellement. Les soigneurs, le gitan, Nenque (en formation) Tic et Tac, la cheffe soigneuse, surveillent de près tout ce petit monde. Le guichetier prend sa pause, mange un sandwich, quand il entend des pas de course. Il se passe quelque chose. Quelque temps après, c’est au tour de Jad-bal-ja, un lion de l’Atlas et mascotte du parc, d’être perturbé dans son quotidien : un humain est descendu dans sa fosse.
Daniel Fohr nous raconte ici avec minutie et humour la vie d’une communauté, un microcosme où humains et animaux sauvages se côtoient, les uns observant avec une certaine indifférence, les autres qui eux semblent aux aguets en permanence. Et ce n’est pas nécessairement dans l’ordre auquel on pourrait « naturellement penser ». Un savoureux roman, un huis clos tendre, décalé et néanmoins criant d’une certaine lucidité. Après avoir lu « Vies sauvages », vous ne visiterez plus les zoos de la même manière !...
« Dans un bon parc, un lion pouvait gagner dix à quinze d’espérance de vie supplémentaires, à l’inverse d’un humain en résidence médicalisée. (…) »
« Jad-bal-ja passait l’essentiel de ses journées sur son rocher chauffant. On avait beaucoup parlé de cette innovation dont l’intérêt affiché était de permettre au lion de l’Atlas de supporter l’hiver européen, comme si le concepteur de son biotope ignorait que les températures hivernales, le matin au pied du Kilimandjaro ou dans le Haut-Atlas, rendaient un lion ou une girafe capables de survivre en Europe du Nord dans les mêmes conditions qu’une vache hollandaise. (…) ».

Palerme. Jour de Sirocco. Rosa conduit perdue dans la ville dont elle est pourtant originaire mais qu’elle a fuit, à côté d’elle Clara, sa compagne. Elle finit par s’engager dans une rue étroite où deux voitures ne peuvent se croiser.
Au même instant, s’engouffre de l’autre côté une autre voiture dans laquelle est entassée la famille Calafiore. Au volant, Samira une albanaise exilée, dont la fille décédée, avait épousé le père Calafiore.
Commence alors une partie de bras de fer. Aucune des deux n’acceptera de faire marche arrière. Têtues, obstinées, l’une comme l’autre, pour des raisons propres à leur trajectoire de vie que l’on découvre au fil du livre par des flash-back. Autour de cet entêtement s’est toute une famille, tout un microcosme palermitain qui s’exprime.
De ce livre se dégage tout un petit monde, une atmosphère, brillamment mis en scène par Emma Dante, une langue, un dialecte (le roman a été écrit en italien et sicilien) remarquablement traduit par Eugenia Fano, haut en couleur, de menaces et de filouteries. Une d’histoire particulière, tendre, drôle, burlesque, triste, dure. Un magnifique roman, dont toute l’électricité se retrouve dans les incroyables et envoûtants dessins au crayon bic d’Oana Lohan.

A une époque où l’intelligence artificielle et les robots ont intégré la vie quotidienne dans le monde, une île au Japon s’y est opposée. Sur cette île vit un couple, Hélène pianiste de renom et Edo, dans une magnifique demeure. Le temps fait son œuvre sur Hélène. Ne pouvant plus jouer depuis quelques temps, elle s’observe dans l’une des grandes baies vitrées, scrute une petite ride au coin des lèvres, peut-être y voit –elle la raison d’une certaine distance entre elle et son mari. Alors l’idée d’introduire un androïde, copie d’elle plus jeune de quelques années s’impose à elle.
Les splendides dessins contemplatifs aux couleurs chaudes et le scénario minimaliste et profond nous immergent dans ce récit intimiste, questionnant le passage du temps, son lent mais néanmoins inévitable marquage sur nos corps et nos élans, nos envies, nos capacités. Est-ce subir que de l’accepter ? Utiliser les technologies pour déjouer le temps qui passe ? Est-ce un mensonge vis-à-vis de soi et des autres ? Idéal est une bande-dessinée en tout point remarquable.

Nestor, jeune homme de petite taille, vit avec sa grand-mère qui l’a élevé en l’aimant de tout son cœur et qu’il adore. Mais difficile de faire sa place dans ce monde, alors Nestor vit de petits boulots pour subvenir à leur besoins du quotidien. Il peut compter sur la solidarité de son quartier. Nestor a un grand cœur, ainsi est-il surnommé cœur-amande, et ainsi vient-il en aide un jour à un homme, lui aussi de petite taille qui s’est fait détroussé alors qu’il se rendait à l’hôpital pour être soigné. Redevable, il ne cesse de proposer à Nestor de venir passer quelques jours chez lui, en province. La santé de sa grand-mère déclinant, il s’obstine à croire qu’il peut s’en occuper seul. Ce que sa mère, qu’il n’a jamais eu près de lui, réfute et décide de la placer en établissement de santé. Leur dernier regard échangé avant qu’elle ne soit emmenée dans sa chambre est un supplice, Nestor décide de répondre à l’invitation.
L’amour est tout, peut tout, soutient tout. Tel est le cœur de cette histoire que nous conte Yasmina Khadra. Un cœur aimé est un cœur qui aime et qui aide. Alors en retour, l’on peut compter sur la solidarité, l’entraide. Les vie cabossées savent cela. Les bons mots, les blagues et les petits tacles affectueux aussi, preuve d’intelligence, contribuent à accepter les cahots et les handicaps, de tous ordres. Un livre doux, tendre et lumineux.